Crédits d’impôt étranger – Aucun report n’est possible sur le fondement des conventions fiscales

CE, 8e et 3e ch., 8 mars 2023, n° 456349, Sté Natixis

La question du sort des crédits d’impôt en période déficitaire a donné lieu à d’importantes évolutions.

On se souvient que pour les exercices clos avant le 31 décembre 2017, la jurisprudence du Conseil d’Etat distinguait trois types de conventions, qui permettaient ou non la déductibilité de l’impôt étranger au titre d’opérations réalisées à l’étranger imposables en France. Ainsi, l’impôt ne pouvait être déduit s’il résultait expressément des stipulations conventionnelles que la déductibilité en France de l’impôt acquitté à l’étranger était exclue (CE 12 mars 2014 n° 362528, Céline). En revanche, cette déduction était possible, lorsque les stipulations de la convention restaient muettes sur cette déductibilité (CAA Versailles 18 juillet 2013 n° 12VE00572, Egis) ou lorsqu’elles se contentaient d’indiquer que les revenus concernés étaient imposables en France pour leur montant brut (CE 7 juin 2017 n° 386579, LVMH).

Il résulte de l’article 39,1-4° du CGI dans sa rédaction issue de l’article 14 de la loi 2017-1775 du 28 décembre 2017 que, pour les exercices clos depuis le 31 décembre 2017, le législateur interdit expressément la déduction de l’impôt acquitté à l’étranger conformément à une convention fiscale.

Restent toutefois déductibles, à condition bien entendu que soient respectées les conditions générales de déductibilité des charges, les impositions prélevées en dehors du cadre d’une convention fiscale, notamment dans les cas où :

  • une imposition a été établie par un État lié à la France par une convention fiscale en contradiction avec les termes de la convention (CE 20 novembre 2002 n° 230530, SA Établissement Soules et Cie) ;
  • des impôts sont dus à l’étranger mais ne sont pas couverts par le mécanisme d’élimination des doubles impositions des conventions fiscales (Rapport Sén. n° 158) ;
  • des impôts sont dus dans un pays avec lequel la France n’a pas signé de convention fiscale (BOI-BIC-CHG-40-30 n° 30, 3-10-2018).

Aujourd’hui c’est la question du report ou de la restitution qui est posée lorsque les entreprises sont dans l’impossibilité d’imputer le crédit d’impôt afférent à l’impôt étranger en raison de leur situation déficitaire.

A cette question, le Conseil a apporté une première réponse en jugeant dans l’arrêt Faurecia du 27 juin 2016 qu’un crédit d’impôt étranger qui n’a pas pu être imputé pour cause de situation déficitaire n’est pas restituable (CE, 10e et 9e ch., 27 juin 2016, n° 388984 et 392534, SA Faurecia).

De même,le Conseil a retenu dans l’arrêt BPCE du 26 juin 2017 que le droit interne ne permet pas le report des crédits d’impôt étrangers sur l’impôt dû au titre d’un exercice ultérieur (CE, 9e et 10e ch., 26 juin 2017, n° 406437, Sté BPCE), ce qui a été jugé conforme à la Constitution (Cons. const., 28 sept. 2017, n° 2017-654 QPC, Sté BPCE).

Aujourd’hui, le Conseil d’Etat rajoute une couche dans l’arrêt Natixis du 8 mars 2023 en considérant que ce report ne peut pas être fondé, dans le silence de celles-ci, sur les conventions fiscales applicables (CE, 8e et 3e ch., 8 mars 2023, n°  456349 , Sté Natixis).

En effet, selon le Conseil d’Etat, dans la mesure où l’absence de possibilité de report d’un crédit d’impôt conventionnel non utilisé du fait d’une situation déficitaire ne crée aucune situation de double imposition juridique, les conventions internationales ne peuvent pas être interprétées comme reconnaissant implicitement au bénéficiaire des revenus un droit au report du crédit d’impôt étranger.

La haute juridiction rappelle en effet que les sociétés déficitaires ne sont pas imposées en France au titre de l’exercice de perception de ces revenus, la faculté de reporter en avant les déficits étant à cet égard sans incidence.

Il en résulte que le choix opéré par la France de ne pas autoriser le report ou le remboursement des crédits d’impôt étrangers non imputables pour cause de déficit ne méconnaît ni la liberté de circulation des capitaux, ni l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.